samedi 11 février 2017

Fly in, fly out: la réalité du Québec lointain

Erika Soucy, c'est celle qui a répliqué à Bernard Gauthier après son passage à Tout le monde en parle. Il a parlé de femmes qui préfèrent la guenille à la politique. Elle a répondu avec son coeur de fille de région qui veut défendre sa région et les femmes de sa région.

Ça m'a intrigué, j'ai eu envie de lire son premier roman, paru il y a pas si longtemps: Les Murailles. Ça parle d'une fille qui s'en va passer une semaine à La Romaine pour essayer de mieux comprendre la vie de chantier, surtout pour essayer de faire la paix avec son père qui a mené cette vie de chantier depuis toujours et qui n'a pas été très présent pour elle.

Ça se lit tout seul, c'est écrit comme si on était en train de se parler dans la vie de tous les jours et surtout c'est criant de vérité.

C'est véridique dans le sens de « ça dépeint une réalité dont on entend trop peu parler ». Une réalité qui est très contemporaine même si on n'en parle pas tant que ça. Une réalité des régions surtout, qui se vit aujourd'hui.

Des gars qui font du « fly in, fly out ». Partir 14/21/28 jours, revenir à la maison 7/14 jours, repartir et ainsi du suite.

Des difficultés d'entretenir des relations amoureuses dans ces conditions. Ce ne sont pas toutes les femmes qui sont prêtes à vivre une relation dans ces conditions. C'est encore plus compliqué quand il y a des enfants dans l'équation. Des enfants qui se croient pratiquement orphelins.

Quand tu vis, la plupart du temps, éloigné de la civilisation, tu t'enfermes dans ta routine, dans ta solitude. Tu reviens à la maison et tu es presque un étranger chez toi.

« Avant quand il avait de la peine, mon père partait sur une dérape. Se paquetait ben comme il faut jusqu'à tomber au neutre entre trois et six heures du matin, le temps que le bar ferme pis que le dépanneur ouvre. »
« J'ai le goût de lui demander c'était quoi les torts de ma mère. Est-ce que c'était de jeter tes sachets de cokes qui traînaient dans tes poches quand elle faisait le lavage, papa? Est-ce que c'était de refuser de payer tes dettes avant de faire l'épicerie? Est-ce que c'était de poser des questions quand tu rentrais soûl à six heures du matin? Est-ce que c'était de se sauver quand tu la menaçais? »

Des régions qui se meurent.

Du travail « parfois créé artificiellement » sur les chantiers pour garantir de l'ouvrage aux gars.

Du racisme inter-régional qui se crée parce que la job se fait rare et que les gars se battent pour faire leurs semaines, pour avoir du chômage une fois l'hiver arrivé.

Je l'ai déjà écrit, la réalité des régions est tellement différentes de celle des villes. On a tendance à l'oublier trop facilement. Et on n'en parle que trop peu dans les médias. La pauvreté, les problèmes de délinquance, de consommation, la violence, la solitude...

Je viens d'une région pas si éloignée et qui était déjà trop éloignée à mon goût. Je n'ose même pas imaginer comment ça se passe dans les villages vraiment éloignées où la vie se passe au rythme des saisons et où les possibilités de divertissement sont limitées.

« Les scandales, c'pas su'é chantiers qu'y s'cachent. C'est din villages pis dins cours de nos écoles, mais ça, personne en parle. »

Il est là le véritable scandale: Si tu étudies, tu vas finir par partir, pis la région va se vider encore plus vite. Si tu étudies pas, tu vas finir au chantier « fly in, fly out », pis tu vas entretenir le même pattern d'une génération à l'autre.

On fait quoi avec ça?

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