samedi 30 octobre 2010

Le numérique ne marquera pas la fin des bibliothèques

« Les bibliothèques qui fonctionnent le plus ne sont pas celles qui ont le plus de livres sur leurs rayons, mais celles qui font le plus d’animation autour du livre. Il en ira de même avec l’arrivée du livre numérique. Cela ne signifie surtout pas que les bibliothèques se videront. Au contraire, elles doivent trouver de nouvelles façons d’animer et de faire vivre le livre », croit Jacqueline Labelle, directrice générale du Réseau BIBLIO de la Montérégie.

Mme Labelle est également responsable du comité des technologies pour le Réseau BIBLIO du Québec et collabore au travail du comité sur le livre numérique de l’ASTED. Cet après-midi, elle participait à une table ronde sur le livre numérique, dans le cadre du Rendez-vous d’automne des bénévoles du Réseau BIBILIO des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudières-Appalaches.

Mme Labelle a soutenu: « Le livre numérique, c’est comme les guichets automatiques. Quand ils sont arrivés, tout le monde disait que c’était trop compliqué à utiliser. Aujourd’hui, on voudrait qu’il y en ait un à tous les coins de rue. Laissons le livre numérique prendre son envol. »

L’offre de livres numériques commence à se développer au Québec, notamment avec l’Agrégateur ANEL-De Marque (qui a été présenté au début de la table ronde), qui regroupe plus de 3 300 livres numériques d’une soixantaine d’éditeurs québécois et canadiens-français.

Par contre, le prêt de livres numériques en bibliothèque est encore impossible. Plusieurs de la centaine de bénévoles présents dans la salle ont fait remarquer qu’ils commencent à se faire demander par les usagers de leurs bibliothèques à quel moment ils pourront emprunter des livres numériques.

« C’est certain qu’il va falloir que ça bouge dans ce dossier. Il faut arrêter de vouloir atteindre un consensus dans le milieu des bibliothèques. Si on attend trop, les usagers qui veulent lire en numérique se tourneront vers l’offre anglophone », a fait valoir Mme Labelle.

Avantages au prêt numérique
Selon elle, la disponibilité du livre numérique comportera plusieurs avantages de taille pour les usagers des bibliothèques, à commencer par un meilleur accès aux ressources, surtout dans les régions et les petites communautés où les heures d’ouverture des bibliothèques publiques sont très limitées en raison du manque des ressources bénévoles.

« Bien sûr, certains s’inquiètent de la fréquentation physique des bibliothèques quand on parle de livre numérique, mais je ne crois pas à une baisse. Je crois plutôt à l’ouverture de la bibliothèque pour ses usagers. Il existe des bibliothèques publiques au Québec qui sont ouvertes seulement cinq heures par semaine. Imaginez l’avantage pour les usagers si, en plus de pouvoir renouveler leurs prêts dans leur compte en ligne, ils pouvaient aussi emprunter des livres. Leur accès à la bibliothèque et à ses ressources s’en trouveraient bonifié. »

Mme Labelle croit également que la disponibilité du livre numérique en bibliothèque et l’animation qui sera faite autour de celui-ci sera un levier pour renouveler la clientèle et attirer des jeunes en bibliothèque.

« En région, nous concevons de plus en plus la bibliothèque comme un lieu de rassemblement qui remplace le parvis de l’église de l’époque. Nous voulons en faire un carrefour de l’information et de la communication, qu’elle devienne comme un café ». Les avantages qui en découlent peuvent être nombreux pour les communautés: liens intergénérationnels accrus, des jeunes qui lisent davantage (peut-être) et qui s’impliquent bénévolement dans leur communauté (espère-t-on).

De plus, le livre numérique n’occupe pas d’espace physique dans une bibliothèque. En cas d’élagage par exemple, certains livres pourront continuer d’être disponibles en version numérique pour les usagers qui en feront la demande.

Établir le lien
Pour que le livre numérique soit disponible en prêt dans les bibliothèques, il reste maintenant à établir le lien entre les agrégateurs de contenu et le catalogue des bibliothèques. « Les livres numériques devront être disponibles dans le même catalogue que les autres livres de la bibliothèque. Lorsque l’usager consultera le catalogue, il arrivera dans la notice d’un livre qui l’intéresse, il verra qu’il est disponible en papier et en numérique », a indiqué Suzainne Payette, directrice de la Bibliothèque de Brossard.

Elle a expliqué que l’usager qui choisira d’emprunter un livre dans sa version numérique pourra tout simplement télécharger le fichier sur son ordinateur pour ensuite le lire sur le support de lecture de son choix. Le livre sera protégé par un verrou numérique chronodégradable. Au bout de trois semaines (par exemple), le fichier deviendra inactif sur le lecteur de l’usager et redeviendra disponible pour un autre prêt.

Donc, fini les frais de retard et l’usager suivant, s’il a réservé le livre, recevra une alerte et pourra en bénéficier immédiatement. Le modèle reprendrait donc le modèle actuel des bibliothèques; un exemplaire, un prêt à la fois.

Accès perpétuel

Il reste également et surtout à déterminer des modalités d’accès, et c’est ici que cela se complique. Comme les livres numériques se trouvent dans des agrégateurs de contenus (des entrepôts virtuels), la bibliothèque n’a jamais en sa possession une copie du livre. « Cela est en opposition avec le rôle de conservation du patrimoine des bibliothèques », soutient Mme Payette.

« Les bibliothèques devront s’assurer que les oeuvres qu’elles achètent avec l’argent public seront conservées. Nous devons avoir une garantie d’un accès perpétuel », renchérit Guylaine Beaudry, directrice de la Bibliothèque Webster de l’Université Concordia, qui participait également à la table ronde.

Selon Mme Labelle, le rôle de conservation du patrimoine revient directement à la BANQ, qui devrait être chargée de s’assurer de l’accès aux contenus alors que les autres bibliothèques publiques ne devraient pas se préoccuper de ce volet. Est-ce que la BANQ devrait être autorisée à conserver une copie de chaque livre numérique en circulation dans les bibliothèques? Peut-être, ont répondu les participants.

D’ailleurs, Pierre Lasou, coordonnateur des ressources électroniques à la Bibliothèque de l’Université Laval, croit que le Dépôt légal, qui oblige les éditeurs à envoyer une copie de tout ce qu’il publie à la BANQ, devrait être modifié pour tenir compte du numérique.

Le sujet de l’archivage demeure donc le plus épineux dans le dossier du prêt de livre numérique dans les bibliothèques du Québec.

Quoi qu’il en soit, les participants étaient d’accord pour affirmer que le livre numérique n’est pas une menace pour les bibliothèques et qu’il devient de plus en plus urgent d’avoir une offre de livres numériques québécoises en bibliothèques.

Les bénévoles présents dans la salle se sont montrés ouverts et intéressés par la venue du livre numérique, bien que certains se soient inquiétés de la façon dont ils allaient pouvoir acquérir les compétences nécessaires à l’accompagnement des usagers dans l’univers du numérique.

Il s’agit certainement d’un dossier à suivre….

1 commentaire:

  1. Merci Martine pour ce billet! J'ai presque l'impression d'avoir assisté à cette intéressante table ronde.

    Alain Guimond, président RBQ

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